Le traitement de texte Le concept de traitement de texte recouvre l’ensemble des opérations pouvant être exécutées sur ou à partir de textes, depuis leur saisie par frappe manuelle jusqu’à leur restitution sur un support papier, vidéo, magnétique ou électronique. Le principe essentiel du traitement de texte est de capturer le texte dans une mémoire électronique dès sa création. Cette mémorisation permet d’automatiser les différentes opérations de saisie, correction, édition des textes. En résumé, le traitement de texte permet à tout moment de reprendre un document et de le modifier, tout en conservant la forme initiale. Le cybercrime LES SIX FAMILLES DU CYBERCRIME Le potache Les internautes sont de plus en plus jeunes. Le potache est donc très jeune, il utilise les outils qu’il trouve en ligne et méconnaît les limites imposées par la loi. Sa délinquance est avant tout ludique et initiatique mais peut en théorie lui faire encourir des peines très lourdes pour des faits simples Le pirate Le pirate, en anglais hacker, est la figure emblématique d’un mythe qui fait couler beaucoup d’encre. Le pirate est celui qui commet des infractions pour son propre compte. 11 connaît les limites imposées par la loi, contrairement au potache (il est plus vieux). Le pirate, adolescent ou jeune adulte, trouve dans son rapport avec le cyberespace un lieu d’identification et de valorisation. Certains proposent d’assurer la sécurité informatique d’entreprises qu’ils ont auparavant attaquées! Le vengeur masqué A l’occasion d’une déception amoureuse ou professionnelle, le vengeur masqué va mettre à profit sa connaissance de l’outil informatique, ainsi que de l’environnement de sa victime, pour commettre une action préjudiciable. Le cyber-voyou Le cyber-voyou est un pirate qui a choisi de mettre ses talents au service d’un groupe criminel ou d’une entreprise malhonnête. Il encourt des risques judiciaires importants et des représailles de la part de ses employeurs. Le cyberterroriste Bien sûr, les risques d’un terrorisme électronique existent théoriquement, mais depuis cinquante ans que les ordinateurs existent, hormis au cinéma, aucun acte de cyberterrorisme n’a été commis. L’espion Loin de ressembler à James Bond, l’espion nouvelle génération se présenterait plus volontiers sous l’apparence d’ingénieurs très discrets, de sociétés sous contrôle capables par exemple de diffuser vers un certain public des programmes censés assurer la sécurité des ordinateurs, mais ouvrant les ports de ceux-ci vers quelques grandes oreilles. D’après David Bénichou, (Regards sur l’actualités/mars 2001) Les riches, terra incognita des statistiques Par ALAIN BIHR ET ROLAND PFEFFERKORN Aucune enquête statistique ne parvient à appréhender les populations situées aux extrêmes de la hiérarchie sociale. Les plus pauvres, parce qu’ils ne font pas partie des ménages ordinaires : pas d’adresse fixe, vie en foyer, maison de retraite, asile, prison, etc. mais aussi les plus riches que la désaffection des statisticiens abandonne dans un confortable anonymat propice à leur enrichissement…. Les enquêtes que mène régulièrement l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) sur les inégalités de niveau de vie en France, livrent peu d’informations sur les plus riches. Il y a à cela des raisons déterminantes. Une première résulte de la nature même de la richesse. Richesse abstraite, issue de la propriété industrielle, elle est aussi une richesse anonyme ayant trouvé refuge dans la confidentialité des comptes en banque, des portefeuilles financiers et des coffres-forts, le plus souvent à l’étranger. De surcroît, il n’est nul besoin aujourd’hui d’exhiber sa fortune pour imposer son pouvoir. Elle est assurément plus volontiers discrète qu’elle est de notoriété avérée. En se soustrayant aux regards des moins nantis, les riches tentent d’éluder toute critique. Et, puisqu’ils exercent le pouvoir dans notre société, ils possèdent aussi les moyens de préserver leur anonymat. Mais qu’est-ce qu’être riche aujourd’hui ? Combien sont-ils en France et qui sont-ils ? La richesse, comme la pauvreté, est une réalité multiple et relative. Etre riche ne se résume pas à « gagner beaucoup d’argent », car, si dans l’extrême dénuement, il existe une limite à la pauvreté, il n’y a pas de limite à la richesse. De ce fait, la notion de seuil de richesse est à la fois plus nécessaire que celle de seuil de pauvreté mais aussi plus malaisée à cerner. Tout d’abord du fait de la méconnaissance des revenus les plus élevés et parce que les sources d’information sous-évaluent notoirement certains revenus, notamment financiers dont se composent précisément l’essentiel des hauts revenus. Si bien que, connaissant quelquefois très exactement les revenus des plus pauvres, l’estimation de ceux des plus riches reste tout à fait incertaine. Ce sont toutefois les seules données dont on dispose. Sur cette base, on pourrait par exemple considérer comme riches les 10% des ménages dont le revenu par unité de consommation est le plus élevé (1) ou encore, ceux dont le revenu est le double du revenu médian (2). Ces seuils offrent une représentation très imprécise moins par leur définition arbitraire que pour deux autres raisons essentielles. En premier lieu, ils ne tiennent pas compte de l’extrême variété des situations. Sous le même vocable se trouvent confondues des richesses qui ont peu de chose en commun. En second lieu, les définitions retenues ignorent une dimension importante constitutive de la fortune qu’est la richesse patrimoniale. Etre riche, c’est en définitive disposer à la fois de revenus substantiels et d’un patrimoine important, les deux étant par ailleurs étroitement liés. Les revenus permettent de conforter le patrimoine ; en retour, celui-ci produit une rente alimentant le flux des revenus. Nous nous proposons de ce fait de définir riche un ménage dont les seuls revenus patrimoniaux lui permettent de disposer du revenu médian par unité de consommation. Les données disponibles ne permettent en l’occurrence ni d’évaluer le nombre de ménages riches selon les termes de la définition retenue, ni d’en esquisser une typologie. Néanmoins, on peut sans risque les situer parmi les ménages possédant les plus gros patrimoines ; c’est-à-dire parmi les professions libérales et surtout les dirigeants d’entreprise. Puisque notre définition du seuil de richesse souligne le lien entre revenus et patri­moines, il faut dire quelques mots de ces derniers, en s’appuyant sur la seule étude que l’Insee a consa­crée à ce jour aux grandes fortunes (3). Assimilées aux patrimoines du centile supérieur, elles détiennent approximative­ment dix fois le patrimoine moyen et vingt fois le pa­trimoine médian. Sans coïn­cider avec celle des décla­rants à l’impôt sur la fortune (ISF), cette population offre néanmoins des caractéristi­ques comparables. Ces grandes fortunes présentent un certain nombre de traits spécifiques. En premier lieu, leurs très fortes dispersion et concen­tration. Ainsi, entre la plus « petite » de ces grandes fortunes et la plus élevée, le rapport est de 1 à... 16 000 ! Et si l’on considère l’ensemble des déclarants à l’ISF, le quart supérieur possède à lui seul plus de la moitié (53 %) du patrimoine déclaré et le centile supé­rieur (correspondant aux déclarations de l’ordre de plusieurs centaines de mil­lions de francs) en concentre 13 %. Les grandes fortunes se dis­tinguent, en second lieu, par leur origine. Les patrimoi­nes ordinaires pro-cèdent d’une épargne patiente sur des revenus provenant pour leur plus grande part de l’activité professionnelle. Rien qui ne laisse présager une grande fortune ! Les grandes fortunes trou-vent leur source ailleurs et en premier lieu dans l’héritage : le centile supé­rieur des ménages les plus riches sont deux fois plus nombreux à avoir bénéficié d’une trans-mission de patrimoine. Pour disposer d’une grande fortune, mieux vaut avoir eu des parents fortunés ; là toutefois s’arrête l’enseignement que l’on peut tirer des données à notre disposition. La seconde source des grandes fortunes est, s’en étonnera-t-on, ce que l’Insee appelle pudiquement la « réussite entrepreneu­riale » : 61 % des grandes fortunes se fondent sur les revenus d’une activité indé­pendante ; encore faudrait-il préciser combien parmi ces indépendants sont chefs d’entreprise et tirent leur fortune moins de leur acti­vité propre que de celle d’autrui ! Cette double origine se reflète dans la composition des grandes fortunes. Alors que la résidence principale représente en moyenne 40% du montant des patrimoines ordinaires, elle ne constitue plus qu’une part infime (14%) des grandes fortunes constituées majoritairement d’actifs financiers. Ainsi, parmi les déclarants à l’ISF, les revenus du patri­moine représentent-ils 4/5 des revenus des ménages du décile supérieur : leurs seuls revenus patrimoniaux leur garantissaient un niveau de vie équivalent au revenu médian. En fait, la plupart se situaient au delà et même très au-delà… ALAIN BIHR ET ROLAND PFEFFERKORN. Pour tenir compte des économies d’échelle que permet la vie en ménage, on calcule le nombre d’unités de consommation que constitue chaque ménage, en tenant compte du nombre de ses membres mais aussi de leur âge. Le revenu médian est celui qui partage la population en deux groupes composés du même nombre de personnes. Cf. « Les ménages fortunés et la gestion de leur patrimoine », Synthèses, no 11, 1997, p. 69-79. Sauf indication contraire, toutes les informations suivantes sur les grandes fortunes sont extraites de cet article. Agriculture bretonne Journée régionale porcine - « Agir sur mon coût de revient » La 8ème journée régionale porcine organisée par les chambres d'agriculture de Bretagne, aura lieu au Palais des congrès de Loudéac (22), le 30 novembre 2005 de 9h30 à 16h. Le thème de cette 8ème édition : « Agir sur mon coût de revient ». Pour chacune des composantes du coût de revient, la variabilité entre élevages est forte. Dans le contexte économique actuel, chacun cherche à optimiser son coût de revient en orientant ses actions sur l’une ou l’autres de ces composantes. C'est pourquoi, au cours de la journée seront abordés différents postes de charges et les actions à conduire pour en réduire l’impact sur le coût de revient. L’optimisation du produit sera également à l’ordre du jour. L’ensemble de cette réflexion repose sur les travaux de recherche des équipes des chambres d'agriculture de Bretagne et de leurs partenaires (ITP, INRA…) Accueil par Paul Auffray, président de la commission régionale de recherche appliquée en production porcine des Chambres d'agriculture de Bretagne Différents profils d'éleveurs et d'élevages, Monica Commandeur – Inra Coût de production, prix d'équilibre et coût de revient : définitions et variabilité, Laetitia Le Moan - Chambres d'agriculture Bretagne  Aliment déconcentré : 8 élevages pour faire le point, Brigitte Landrain - Chambres d'agriculture Bretagne Soupe en engraissement : les clés de la réussite, Frédéric Paboeuf  - Chambres d'agriculture Bretagne Le coût alimentaire en fabrication d'aliment à la ferme, Florence Maupertuis  -Chambre d'agriculture Pays de la Loire Adapter les structures d'élevages pour permettre l'expression du potentiel technique, Christine Roguet – ITP Niveaux d'investissement et coûts de fonctionnement des stations de traitement, Bertrand Le Bris - Chambres d'agriculture Bretagne Le renouvellement, un levier ? Yannick Le Cozler et Hervé Pellois - Chambres d'agriculture Bretagne Diminuer ses dépenses de santé, c'est possible, Claudie Guyomarc’h -Chambres d'agriculture Bretagne Optimiser son produit : des solutions, Gwenaëlle Larour - Chambres d'agriculture Bretagne Des témoignages d'éleveurs illustreront les sujets traités Animation : Jean Dumortier, responsable régional du pôle porc aviculture des Chambres d'agriculture de Bretagne. Amenhotep fils de Hapou Scribe royal, grand architecte. Sa carrière de haut fonctionnaire débute à 50 ans passés lorsque Amenhotep, son souverain, l’appelle à ses côtés. Sa gloire grandira et se maintiendra bien après sa mort, jusqu’à estomper celle du souverain qu’il avait servi. PAR BERNARD MATHIEU Dans un passage de son Contre Apion, l’historien juif Flavius Josèphe (37-95 ap. J.-C.) évoque, en citant Manéthon. un certain Aménophis, fils de Paapis. Ce « sage devin [... ] qui semblait participer à la nature divine par sa sagesse et sa connaissance de l’avenir » n’est autre qu’Amenhotep fils de Hapou. De simple scribe de province, il va devenir. sous le règne d’Amenhotep III – XVIIIe dynastie – l’un des premiers personnages de l’État. Célèbre figure de l’Egypte ancienne, il va traverser les siècles, jusqu’aux temps de l’Empire romain. Amenhotep fils de Hapou a cinquante ans passés lorsque, dans d’obscures circonstances, l’entourage d’Amenhotep III – et le souverain lui-même ? – le remarque. Dès lors, un destin exceptionnel va s’ouvrir devant lui. Depuis sa naissance, en l’an 32 du règne de Thoutmosis III – vers 1447 av. J.C. – à Athribis (aujourd’hui Benha), Amenhotep. que ses contemporains surnomment Houy, mène une existence quasi anonyme, à l’instar de son père, Hapou, et de sa mère, Itou. Agé de 23 ans vers 1425 av. J.C. à l’avènement d’Amenhotep II, il en a 41 vers 1400 av. J.-C., à celui de Thoutmosis IV. et 50 vers 1392 av. J.-C.. lorsque Amenhotep III, âgé d’une dizaine d’années, devient à son tour pharaon. C’est à ce moment-là qu’il entre véritablement dans ce que nous appellerions la haute administration et accède aux plus hautes charges de l’État, « Scribe royal sous les ordres directs du souverain », il pénètre la science sacrée à travers la lecture des manuscrits anciens. « Scribe royal à la tête des recrues », il accède au rang de ministre de l’Intérieur. ou ministre du Cens. Enfin promu « chef de tous les travaux du roi ». il supervise les grandes constructions du règne, en particulier les principales réalisations monumentales d’Amenhotep III. Les qualités et les compétences d’Amenhotep fils de Hapou sont incontestablement remarquables. Témoins, les privilèges considérables, sinon uniques, que lui accorde son souverain. Il fut en effet autorisé à faire édifier des statues à son effigie dans l’enceinte même de plusieurs temples d’Égypte : l’une d’elles, en granit gris, fut retrouvée dans les ruines du temple d’Athribis. sa cité natale; une autre dans celui de la déesse Mout. à Karnak. une troisième, dans celui de Khonsou, d’autres encore, dont nous reparlerons, dans le grand temple d’Amenhotep III, un privilège jusque-là réservé aux seuls pharaons. On sait qu’à sa mort, en l’an 31 d’Amenhotep III (vers 1361 av. J.-C.), Amenhotep fils de Hapou fut enterré dans la nécropole thébaine. Un fragment d’inscription dédicatoire atteste en effet d’une sépulture richement décorée. En outre. on a identifié deux cuves funéraires en granit noir lui appartenant, de qualité identique à celle des cuves royales de l’époque (1). Pourtant. l’emplacement précis de sa tombe demeure inconnu. Peut-on alors imaginer, à la lumière des privilèges insignes obtenus par le personnage, que sa sépulture se situe quelque part dans la Vallée des rois ou dans un ouâdi voisin ? L’avenir. sans doute, le dira. D’après un article paru dans Science&Vie – Hors-série n°209  Les Huguenots Persécution et exode des Huguenots du 16e au 18e siècle. Introduction Le XXe siècle est une période où les exodes de populations pour cause de guerre, intolérance religieuse, conflits ethnique sont malheureusement monnaie courante et ce, dans toute les régions du monde : Inde, Pakistan, Moyen-Orient, Allemagne nazie, ancienne Yougoslavie, Asie centrale (Tchétchenie), Turquie, Arménie, Pologne, sans parler des camps de réfugiés qui parsèment l’Afrique… Séparé dans le temps par une grande distance, nous pouvons comprendre ce que pouvait être les grands exils de population dans l’Europe Moderne découlant de l’intolérance religieuse. Comme Nord-Américains, nous connaissons tous l’histoire des “ Pilgrims ”, des Catholiques et autres minorités religieuses quittant le conformisme anglican de l’Angleterre au XVIIe siècle. Ce que nous connaissons peut-être un peu moins, c’est qu’à la même époque, un important exode se produit en France pour fuir l’intolérance religieuse. 1685, Louis XIV signe l’Édit de Fontainebleau qui signifie la révocation de l’Édit de Nantes. Le roi met fin à une reconnaissance officielle et à certains privilèges qu’avait obtenus les Protestants français, les Huguenots, en 1598 par le dit édit, promulgué par Henri IV. Selon Michelle Magdelaine, les Protestants français, autrement dit les Huguenots, se retrouveront ainsi devant un choix déchirant : l’exil ou la conversion au catholicisme1. Mais pour Philippe Joutard, deux autres attitudes étaient possibles : “ le double-jeu et la résistance ouverte, pacifique ou violente ” 2. Dans le type de travail demandé, inutile de vouloir couvrir toutes les attitudes possibles, ni l’ensemble des retombés de la Révocation. J’analyserai ici une des conséquences de la Révocation de l’Édit de Nantes, soit l’exil. Je m’attarderai sur les causes directes des exodes, les endroits qui accueilleront les émigrants, les retombés sur les pays d’accueils et les conséquences sur la France. Exaction et harcèlement des Protestants de la part des autorités Sur une population d’environ 20 millions de sujets au moment de la Révocation, il y avait près d’un million de protestants 3. Les dragonnades, le harcèlement de la part des autorités et autres humiliations ont eu raison de leur désir de rester en France 4. Environ 200 000 à 250 000 Huguenots auraient fuit le pays" 5. Tous les documents consultés confirment cette estimation sauf l’ouvrage de J. Chambon : “ la statistique évalue de quatre cent mille à sept cent mille le nombre des personnes qui de 1680 à 1695 ont fui la France …”. On peut supposer que l’auteur, qui a publié en 1958, n’avait peut-être pas accès aux mêmes sources que les autres. Bien que la période immédiate qui suit la Révocation soit le moment fort de l’émigration, celle-ci commence bien avant. L’Édit de Nantes sous Louis XIV est interprété de façon à donner le moins de privilèges et de libertés possible : “ Il s’agit d’abolir l’Édit de Nantes en gardant l’apparence du droit et cela au moyen de perfides mesures d’exécution contre ceux-là même que l’Édit de Nantes était censé protéger 6. Chambon donne l’exemple de la reconnaissance par l’Édit le droit d’inhumer leurs morts dans leurs propres cimetières. On applique alors des règles restrictives : l’enterrement devaient avoir lieu seulement que la nuit ; le nombre de personne qui peuvent suivre la procession est soigneusement limité. On exclue aussi les protestants des offices et des professions libérales, on interdit les mariages mixtes et on supprime les chambres mi-parties 7. On ajoute à ces difficultés de vivre sa religion les malheureusement célèbres dragonnades dès le début des années 80. Cela consistait à loger des soldats uniquement dans les familles protestantes. On peut mesurer l’effet que cela peut avoir dans les communautés protestantes quand on lit les directives de Louvois : “ que les soldats soient absolument libres de saccager 8. Facile de comprendre que les conversions se fassent dès lors populaires tandis que l’émigration voit grossir son flot. La première dragonnade fait 30 000 convertis 9. La fin des privilèges avec l’Édit de Fontainebleau ne fait donc qu’accélérer le processus. C’est la fin des ambiguïtés. Les protestants doivent choisir leur destin. Endroits de refuge Analysons maintenant ceux qui ont pris la décision de partir. Les endroits de refuges qui s’offrent à eux sont évidemment protestant, calvinistes mais aussi luthériens (les Huguenots sont calvinistes). “ Les émigrants allèrent vers les Pays-Bas, qui accueillirent 65 000 Huguenots, les îles britanniques (60 000), l’Allemagne (30 000), et la Suisse (22 000) 10. Louis XIV interdira l’émigration. Il veut la conversion de ceux qui pratiquent la “ religion prétendument réformée ”. La galère et la prison attendaient ceux qui se faisaient prendre sur le chemin de l’exil. Leur bien étaient confisqués. C’est donc souvent démuni qu’ils se dirigeront dans un des pays précédemment nommés au nom de leurs croyances religieuses. Conséquence pour le royaume de France et les pays d’accueil Plusieurs pays acceptent chez eux les Huguenots fuyant le royaume de Louis XIV. Certains avec beaucoup de générosité et d’autres sous certaines conditions. Chose certaine, c’est que le royaume de France perdra une partie de sa population industrieuse et talentueuse au profit souvent de ses plus grands ennemis : “ Lorsque je vois un grand prince qui a régné de nos jours, malgré son bon sens naturel, séduit par un conseil aveugle, envoyer tout à coups à ses ennemis, des sujets, des soldats, des négociants, des ouvriers, son commerce, je plains plus la Religion Catholique et, si j’ose dire, je le plains plus lui-même que les Protestants 11 ” dira Montesquieu. Vauban signalera au Roi que les conséquences économiques sont désastreuses pour le royaume et demandera la restauration de l’Édit de Nantes. Parmi les dommages qu’il invoquent, il y a “ l’appauvrissement de nos arts et manufactures particulières, la plupart inconnu aux étrangers, ajout de 8 à 9000 matelots aux flottes ennemis de même que 5 à 600 officiers et 10 à 12 000 soldats 12. Il est difficile de saisir l’impact réel du départ des Huguenots sur l’économie du royaume de France et sur l’apport qu’ils ont donné aux économie des pays d’accueil. Si on croit Bayrou, les historiens ne s’entendent pas sur la question faute de données statistiques fiables. Mais les contemporains ont laissé leurs impressions sur papier et nul doute que l’exode n’a pu que favoriser les pays d’accueil au détriment de la France. Certains États comme le Brandebourg, “ désireux d’augmenter leur puissance économique, politique et militaire, se montrent très intéressés par la possibilité d’accroître leur population adulte13. On promulgue des édits qui favorisent l’arrivée d’Huguenots. On se propse évidemment d’accueillir en premier lieu les Protestants nantis d’abord, puis des marchands et des artisans qui risque d’ajouter du muscle à l’industrie du pays. C’est non sans rappeler, des pratiques qu’utilise un pays qui tient à se développer aujourd’hui grâce à une immigration qu’elle sélectionne selon des critères purement mercantile… Finalement, c’est une aubaine que leur fait le roi de France! Il y a aussi des États allemands, affaiblis et vidé de leur population par la guerre de Trente ans, qui n’hésitent pas à accueillir des Huguenots de toutes conditions pour repeupler des villages et des campagnes ruinés. Évidemment, ce n’est pas tous les Huguenots qui trouvent un havre de paix et un travail dans les lieux d’accueil. Plusieurs reviennent désenchantés. Parfois les populations dans les pays d’accueil se méfient de ces nouveaux arrivants, parfois concurrents commerciaux ou compétiteurs pour le travail, avec une culture différente, une langue, des habitudes…La xénophobie et le racisme n’est pas une invention du XXe siècle! Les Huguenots participent ainsi involontairement, paradoxalement je dirais même, en combattant la France, à la propagation de la culture française et du français à travers l’Europe et le monde. Pamphlets, satires et autres écrits contre Louis XIV, dont les auteurs sont Huguenots, prennent naissance dans les pays de refuge, surtout les Pays-Bas. Mais la communauté huguenote en exil fit plus qu’attiser la haine envers la mère patrie : “ les réfugiés ont également contribué à une plus large diffusion de la langue française au sein de la République des lettres […]. Ce processus d’utilisation pratique du français fut sans doute accéléré par le Refuge et le flot de publications qui l’accompagna ” 14. C’est dans le domaine de la librairie, affirment Hans Bots et René Bastianne que la présence des Huguenot fut le plus déterminante 15. La première gazette de langue française fut lancée à Amsterdam dès 1620 par des Huguenots. Quand le flot d’immigrants s’élargit dans les années 80, les gazettes sont lu à travers l’Europe entière. On peut affirmer que le français était déjà une langue qui avait une très grande influence qui sortait des frontières du royaume de France. La dispersion des Huguenots agit alors comme catalyseur, confortant le français comme langue commune d’une élite européenne, aussi bien catholique que protestante. Enfin, les universités des pays d’accueil virent aussi leur corps professoral augmenté par les immigrants huguenots. Mais le déclin rapide d’étudiants huguenots laisse penser que leur influence à ce niveau fut modeste 16. Conclusion Que penser de l’héritage des Huguenots? Une idée générale qui a plané sur mes lectures, c’est que l’exil à d’abord profité aux pays d’accueil, au niveau des connaissances techniques, militaires, commerciales et militaires. Mais que par un drôle retour des choses, la France ne fut pas que perdante. Bien sûr, elle se faisait des ennemis irréductibles dans la population qui ont dû la fuir dans la misère et l’humiliation et qui n’a fait qu’attiser la haine que lui portait des pays comme les Pays-Bas et l’Angleterre, deux grands rivaux de cette époque. Mais l’influence de sa culture, en Europe du moins, ne fut que plus grande. Louis XIV avait la possibilité de laisser partir les Huguenots vers l’Amérique, imitant ainsi les Anglais en laissant les Huguenots venir créer des colonies en Amérique : “ Les protestants réfugiés en Amérique demandèrent à Louis XIV la permission de fonder de telles colonies en Louisiane – autorisation qui leur fut dédaigneusement refusée 17. Qui sait ce qui serait arrivé… Cliquez ici si vous voulez plus de renseignements sur les Huguenots. 1 Magdelaine, Michelle, Les Huguenots sur le chemin de l’exil, L’Histoire, Paris, no. 77, 1985, p.69 2 Joutard, Philippe, 1685, une fin et une nouvelle chance pour le protestantisme français, p.13 à 30. Tiré de : Le Refuge huguenot, Paris, Colin, 1985, p.22 3 Magdelaine, Michelle, Les Huguenots sur le chemin de l’exil, L’Histoire, Paris, no. 77, 1985, p.69 4 Chambon, Joseph, Le protestantisme français jusqu’à la Révolution française, Paris, Labor et Fides, 1958, p.101 5 Lebrun, François, L’Europe et le monde, XVIe, XVIIe, XVIIIe siècle, France, Armand Colin, 1992, p.173 6 Chambon, Joseph, Le protestantisme français jusqu’à la Révolution française, Paris, Labor et Fides, 1958, p.100 7 Lebrun, François, L’Europe et le monde, XVIe, XVIIe, XVIIIe siècle, France, Armand Colin, 1992, p.172 8 Chambon, Joseph, Le protestantisme français jusqu’à la Révolution française, Paris, Labor et Fides, 1958, p.106 9 Bayrou, François, Ils portaient l’écharpe blanche, Paris, Grasset, 1998, p.249 10 Bayrou, François, Ils portaient l’écharpe blanche, Paris, Grasset, 1998, p.269 11 Bayrou, François, Ils portaient l’écharpe blanche, Paris, Grasset, 1998, p.275 12 Bayrou, François, Ils portaient l’écharpe blanche, Paris, Grasset, 1998, p.275-76 13 Magdelaine, Michelle, Les Huguenots sur le chemin de l’exil, L’Histoire, Paris, no. 77, 1985, p.72 14 Von Thadden, R, Magdelaine, M, Le Refuge huguenot, Paris, Colin, 1985, p.79 15 Von Thadden, R, Magdelaine, M, Le Refuge huguenot, Paris, Colin, 1985, p.80 16 Von Thadden, R, Magdelaine, M, Le Refuge huguenot, Paris, Colin, 1985, p.79 17 Von Thadden, R, Magdelaine, M, Le Refuge huguenot, Paris, Colin, 1985, p.161 Le papier,témoin du développement Le papier, transmis de civilisation en civilisation, a accompagné leur croissance. Il résume aujourd'hui les défis du développement durable. Une Chinoise, championne du papier-carton recyclé Au début des années 90, une entrepreneure chinoise, Zhang Yin, crée aux Etats-Unis une entreprise qui exporte en Chine des fibres recyclées, America Chung Nam. La firme est aujourd'hui le premier exportateur américain en la matière. Mieux, Mme Zhang Yin a fondé depuis Nine Dragons en Chine, une entreprise de fabrication de papier-carton à base de fibres recyclées. Elle en est aujourd'hui le leader national, ambitionnant de devenir la première entreprise mondiale dans ce secteur. Après avoir mis en route neuf nouvelles machines entre 2006 et 2008, sa capacité de production, aujourd'hui de 5,35 millions de tonnes de papiers pour ondulés, devrait passer à 7,15 millions fin 2008. Pour comparaison, la production française d'ondulés s'élevait à 3,3 millions de tonnes en 2006, selon le rapport Cyclope 2008. Du papier durable Le label FSC (Forest Stewardship Council) garantit l'exploitation durable des forêts. Des papetiers se lancent dans le papier écologique et durable: "Double A, marque du papetier thaïlandais Advance Agro, a développé un mode de production du papier intégré, depuis la plantation des arbres jusqu'à la distribution du papier. Ce procédé lui permet de contrôler et de réduire les impacts sur l'environnement et de fournir un revenu supplémentaire aux paysans", selon Novethic (www.Novethic.fr). L'illusion perdue du papier de coton "En Angleterre, où le coton a remplacé le fil chez quatre cinquièmes de la population, on ne fabrique déjà plus que du papier de coton. Ce papier, qui d'abord a l'inconvénient de se couper et de se casser, se dissout dans l'eau si facilement qu'un livre en papier de coton s'y mettrait en bouillie en y restant un quart d'heure, tandis qu'un vieux livre ne serait pas perdu en y restant deux heures." Balzac, Les illusions perdues, 1843 Les nouveaux tigres du papier Si la Chine de Mao qualifiait l'impérialisme américain de "tigre de papier" pour exprimer qu'il ne lui inspirait pas plus de peur qu'un jouet, l'expression conviendrait mieux aujourd'hui à la montée en puissance de cette même Chine, y compris dans le monde du papier. Même si le papier est encore largement une affaire Nord-Nord. Pour en savoir plus Le papier, une aventure au quotidien, par Pierre-Marc de Biasi, éd. Découvertes-Gallimard. Un excellent petit livre richement documenté et illustré qui a beaucoup inspiré cet article. Cyclope 2008, par Philippe Chalmin (dir.), éd. Economica. www.wwf.be : site du WWF Belgique. Voir notamment "Du papier qui sent mauvais". www.fao.org : site de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture. www.fpac.ca : site de l'association des produits forestiers du Canada. www.cepi.org : le site de la Confédération européenne des industries papetières. An 105 de notre ère: Cai Lun, haut fonctionnaire de l'empire chinois des Hans, rédige un rapport sur la fabrication du papier. Il reçoit en retour les félicitations de l'empereur, qui décide de faire du papier le support des écritures officielles. Depuis lors, Cai Lun est passé dans l'histoire chinoise comme l'inventeur de ce matériau, bien que les archéologues aient démontré l'existence de papier en Chine trois siècles auparavant. En écrasant et en faisant macérer des fibres végétales avec des cordages et de vieux tissus, Cai Lun avait sans doute amélioré la pâte qui, étalée sur un tamis, puis séchée et recouverte d'amidon de riz, donne une feuille propre à l'écriture. Le fait que la date de l'invention du papier retenue par l'histoire chinoise soit celle où l'innovation est reconnue comme telle et utilisée par l'administration de l'empire traduit le rôle clé qu'a dès lors joué le papier dans la civilisation chinoise. Support des textes officiels du pouvoir central d'abord, le papier devient aussi celui de la diffusion du bouddhisme, des techniques et des sciences naturelles. Il sert également de matériau de base à une expression artistique multiforme permise par la calligraphie, la xylographie ou l'estampage. De plus, le papier sort du monde lettré pour devenir la matière principale de multiples objets du quotidien, du chapeau à l'éventail, de l'armure en carton au léger... papier hygiénique. Un support de la civilisation musulmane Ces usages du quotidien ne seront pas repris par la deuxième grande civilisation à développer l'usage et la fabrication du papier, la civilisation musulmane. C'est à Ctésiphon, alors capitale des Perses sassanides, que les Arabes découvrent le papier importé de Chine, mais ils n'auront connaissance des méthodes de fabrication qu'avec la prise de Samarcande en 751. La ville devient alors un important centre de fabrication de papier à base de chanvre et de lin. Au IXe siècle, des fabriques de papier s'installent à Bagdad, Damas et dans d'autres cités du Moyen-Orient. L'usage du papyrus égyptien disparaît pour laisser place au papier autour de l'an mil. Du Xe au XIIe siècle, la fabrication du papier gagne l'Afrique du Nord et la Sicile musulmane, et se perfectionne. Les Arabes mécanisent l'écrasement des fibres végétales grâce à une meule, proche du modèle des moulins à grains. A la fin du XIIe siècle, Fès compte 400 meules à papier actionnées par l'énergie animale ou humaine. Tout comme en Chine, la diffusion du papier est d'abord portée par la machine bureaucratique du pouvoir central (les Abassides, puis les Fatimides), mais l'intense activité commerciale repose aussi sur la rédaction de contrats et de comptes sur papier. Surtout, l'Islam, facteur d'unité de cette ère civilisationnelle, réclame du papier pour la diffusion massive du Coran, d'Al Andalus à la vallée de l'Indus et au-delà. L'intense travail de traduction des auteurs antiques, les multiples traités scientifiques et techniques, riches des apports autochtones comme des civilisations orientales et occidentales avec lesquelles le monde musulman est en contact, multiplient aussi les usages du papier. Un papier qui, comme en Chine, est également le support privilégié d'une expression artistique où la calligraphie joue un rôle prépondérant. Un atout pour le développement en Occident L'Occident importe par Venise dès le XIIe siècle du papier arabe. Il devient au XIIIe siècle d'un usage assez répandu chez les marchands de la péninsule italienne comme dans les administrations royales. C'est entre 1150 et 1250 que les premières papeteries s'installent en Espagne à Xativa près de Valence, dans le Languedoc et en Italie, à Fabriano (près d'Ancône). C'est l'aboutissement d'un transfert de technologie sans doute stimulé par la Reconquista, les croisades et les contacts directs avec Byzance et le Moyen-Orient. Très vite, des ateliers s'installent dans toutes les villes du nord de l'Italie avant que les fabriques ne gagnent au XIVe siècle l'ensemble de l'Europe occidentale. A leur tour, les Européens apportent des innovations, en particulier l'utilisation de moulins à eau et le remplacement de l'amidon de riz ou de blé pour l'encollage par de la gélatine animale, moins chère et présentant de bien meilleures qualités techniques. Le papier devient d'usage courant dans les administrations, les universités ou les villes commerçantes, sans détrôner pour autant le parchemin pour les écritures importantes. C'est la rencontre de ce produit en plein essor (le papier), d'une nouvelle technologie (l'imprimerie à caractères mobiles) et d'une meilleure maîtrise des espaces par les routes maritimes, les routes terrestres et les postes d'Etat qui va révolutionner l'information et la communication en Occident. Cette rencontre est stimulée par une demande croissante de la part des humanistes, des savants, des princes et de la bourgeoisie montante: contourner le monopole de l'Eglise en lisant directement la Bible, lire les auteurs anciens dont les manuscrits arrivent de Constantinople, prendre connaissance des récits et des cartes des découvreurs qui explorent les côtes africaines, confronter les savoirs anciens et les nouveaux, comme par exemple la nouvelle carte du monde qui se dessine à celle transmise par la Géographie de Ptolémée. Livres imprimés, mais aussi affiches et brochures font leur apparition dans les luttes politiques et religieuses à l'intérieur des Etats comme entre les Etats, des "placards" protestants apposés à Blois en 1534 aux Marprelate Tracts puritains qui attaquent l'Eglise anglicane. Au début du XVIIe siècle, les premiers journaux hebdomadaires apparaissent, parties prenantes des combats politico-religieux qui agitent l'Europe, instruments de maîtrise de l'information du pouvoir (comme Richelieu avec la Gazette) ou de contestation de ce même pouvoir. Support de la diffusion des idées, de la création d'une "opinion publique", le papier joue également un rôle majeur dans la croissance de l'activité économique, par l'information comptable ou technique qu'il enregistre, par la circulation de monnaies scripturales qu'il permet (le papier-monnaie), mais aussi par le développement d'un secteur industriel moderne, avec une organisation proto-industrielle qui réunit de multiples acteurs: le chiffonnier, qui collecte les vieux tissus - surtout de lin - qui, en Occident, constituent la matière première; les familles rurales payées par un marchand propriétaire de moulin pour trier, lessiver, découper, faire fermenter les chiffons, les déchiqueter et les réduire en pâte, avant que des ouvriers papetiers plus spécialisés ne fabriquent les feuilles de papier. Au XVIIIe siècle, la demande toujours croissante en qualité et en quantité encourage les innovations: vers 1750, les Anglais fabriquent un papier sans aspérités et les Hollandais inventent un cylindre broyeur qui multiplie la productivité par trois. A l'aube de la révolution industrielle, les papeteries sont déjà des fabriques importantes, demandant de gros investissements et regroupant une main-d'oeuvre relativement nombreuse. Elles sont installées le plus souvent en milieu rural autour d'un moulin à eau, mais le plus proche possible des villes importantes, centres principaux de collecte des chiffons et d'utilisation du papier par les imprimeurs. Dès le XVIIe siècle, on estime que les seuls imprimeurs parisiens consomment un million de feuilles par jour ! Le boom de la production Pour répondre à de tels besoins sans cesse croissants, de nouveaux bonds technologiques sont nécessaires, à tous les niveaux de la production. Dès la fin du XVIIIe siècle, sont conçues des machines à papier capables de produire le papier en continu sous forme de rouleaux. D'incessants perfectionnements en Angleterre et en France, dont l'usage de la machine à vapeur, multiplient la productivité. Le blocage provient alors de la matière première. La collecte de vieux chiffons ne suffit plus à alimenter les usines. D'autant plus que le boom textile contemporain repose sur le coton, fibre trop molle pour fabriquer du bon papier. La solution vient d'Allemagne avec, à partir du milieu du XIXe siècle, l'utilisation de fibres de bois, en particulier de résineux. La qualité est médiocre, mais convient au papier journal qui constitue une forte proportion de la demande. Pour améliorer la qualité du papier, intervient alors le troisième grand domaine d'innovation: le traitement chimique de la pâte, à grand renfort de soude, de chlore, puis de bisulfite bouillants auxquels ne résiste que la cellulose. La chimie, qui intervenait a posteriori, pour blanchir la pâte à l'aide de chlore, est désormais partie intégrante de la fabrication de la pâte cellulosique elle-même. Elle permet de multiplier les qualités de papier proposées, tel le solide papier kraft fabriqué à partir des années 1880 par un procédé au sulfate. Matière première abondante dans les forêts de Scandinavie, du Canada et d'Amérique du Nord, développement de machines toujours plus sophistiquées, la production explose. Elle est multipliée par sept en Angleterre entre 1860 et 1900, tandis que les prix baissent. Les sociétés démocratiques des pays industrialisés sont particulièrement gloutonnes en papier pour gouverner, débattre, informer, éduquer, vendre. La montée des Etats, de l'éducation, de la lecture, de la démocratie, des grandes entreprises des secteurs secondaire et tertiaire, de la consommation de masse constitue autant de marchés pour les papiers et cartons de toutes catégories. Dès le début du XXe siècle, le marché du carton d'emballage se développe comme celui des papiers hygiéniques et sanitaires. Les progrès en matière d'impression, en particulier des photographies puis de la couleur, multiplient les nouveaux supports: affiches sur les murs des villes, cartes postales par millions dans les boîtes aux lettres. Le développement de nouveaux médias (télégraphe, téléphone, radio, puis télévision) ne freine pas l'usage du papier comme support de communication et n'a bien sûr aucun impact sur les autres usages du papier, sinon pour doper la consommation (et donc l'emballage, le packaging de plus en plus sophistiqué), via la publicité dans les médias ! Un enjeu du développement durable Aujourd'hui, la production de papier continue à augmenter, au rythme de 3 % par an dans le monde. En 2005, elle était de 354 millions de tonnes. Les machines sont gagnées par le gigantisme et produisent pour un marché devenu mondial: les plus modernes, longues de 350 m sur 10 m de large, produisent aujourd'hui 400 000 tonnes de papier par an, avec une vitesse de défilement en sortie de 120 km/h. Mais le marché s'est modifié: le papier "graphique" (destiné à l'impression sous toutes ses formes) ne constitue plus que 45 % des ventes en volume, au même niveau que l'emballage; les 10 % restants correspondent au solide marché du sanitaire. Au sein du papier graphique, si le papier journal recule (de 13 à 10 millions de tonnes par an en Amérique du Nord depuis 2000), la consommation de papier graphique en format A4 (produit principalement en Indonésie et au Brésil) croît, favorisée par la diffusion des imprimantes et la montée des performances des photocopieuses. La consommation annuelle de papier par habitant reste un indicateur de développement: 350 kg consommés aux Etats-Unis, 42 kg en Chine, 7,2 kg en Inde.Ce secteur est aussi un bon exemple des enjeux de développement durable. Par sa matière première, d'abord: responsable de 14 % des prélèvements de bois, elle s'alimente dans les pays développés dans les coupes d'entretien des forêts, dans des plantations dédiées et dans les déchets des scieries. Mais dans des pays comme la Russie, l'Indonésie et la Tasmanie, les coupes se transforment en véritables "exploitations minières" du bois. Elles mettent en danger la ressource et la biodiversité, en dépit du développement considérable du recyclage: 35 % des fibres utilisées pour fabriquer la pâte à papier proviennent désormais de papiers et de cartons recyclés au niveau mondial (50 % en Europe). Enfin, dans ce secteur comme dans tant d'autres, la Chine connaît depuis les années 90 une croissance de sa production de 10 % l'an, à tel point qu'elle commence à être exportatrice, et ce n'est que le début. Le fabricant finlandais de machines à papier Metso a ainsi enregistré un niveau record de commandes chinoises en 2006, alors que, dans le même temps, les pays riches réduisent leurs capacités de production (2 millions de tonnes en moins en Europe depuis 2001) et exportent massivement cartons et papiers usagés vers la Chine, qui est en passe de devenir le premier producteur mondial de papiers et de cartons recyclés. L'autre question environnementale liée à l'industrie papetière concerne le rejet des usines dans l'eau et dans l'air. Si les contrôles se sont renforcés en Europe et les usines ont réduit de 80 % leurs rejets de dérivés chlorés dans l'eau, les taux d'émission restent très élevés en Amérique et plus encore en Asie, ce qui n'est pas bon signe vu l'envol de la production chinoise. Freiner la consommation dans les pays riches, lui permettre de croître dans les pays pauvres, où un cahier est souvent un bien précieux pour un écolier, perfectionner le recyclage, préserver les forêts (en particulier au Brésil, en Russie et en Indonésie qui, à eux trois, produisent autant de pâte de bois que le Canada), limiter les rejets des usines dans l'environnement, en particulier en Asie: le papier, de sa fabrication au consommateur final, constitue une bonne illustration des défis à relever pour concrétiser le développement durable. Gérard Vindt